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Les origines du P-Funk

today26 mars 2022 197 11

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Le P-Funk, une nation sous le signe du Groove

Le P-Funk, un style musical difficile à définir, rangé souvent comme une sous-division de la musique noire américaine. La bande de fanatiques qui accompagne George Clinton l’ont porté à bout de bras durant plus de quatre décennies. Demandons à George Clinton son avis sur la définition du P-Funk :  »Le P-Funk c’est comme les chips, tu ne peux pas en prendre une seule fois »

Imparable ! Une collection de chips aux parfums variés : Funkadelic, Parliament, P-Funk All Stars, Brides Of Funkenstein, Parlet, Bootsy’s Rubber Band, que du beau linge et quelle saveur ! Ils ont à leur actif des dizaines d’albums colorés, baroques, cosmiques et comiques, drogués, accompagnés de visuels remplis de phantasmes sexuels, souvent inspirés des cartoons. Des références délirantes à l’Egyptologie, aux soucoupes volantes, à des clowns travestis en Mac ou encore à des Aliens qui se prennent pour des Cow-Boys ! Un univers unique sans frontières…

Mais parlons un peu de celui qui est à l’origine de tout ça, le charismatique George Clinton.

Bien avant que son homonyme Bill ne laisse sa marque sur l’Amérique en maniant alternativement le scandale et la séduction, George Clinton a fait de même en poussant la logique Funk dans ses ultimes retranchements. Il voit le jour le 22 juillet 1941 en Caroline du Nord. Il pense tout d’abord devenir coiffeur, puis, alors qu’il n’a que 15 ans, il forme un groupe de Doo-Wop en 1955 qu’il nomme The Parliaments. C’est un quintette, comme beaucoup de formation de l’époque. Les futurs complices de George sont déjà là, le guitariste Clarence ‘Fuzzy’ Haskins, les chanteurs Grady Thomas & Ray Davis. Ils obtiennent un succès d’estime avec le titre ‘I Wanna Testify‘. Cela est loin de suffire à l’appétit féroce de George Clinton.

The Parliaments perd son S final et devient : Parliament ! George en profite pour donner libre cours à son imagination débordante et fait met au grand jour toutes les fantaisies enfouies dans son esprit. Parliament change les codes de la Soul Music traditionnelle. Une véritable révolution, un festival de visuels iconoclastes, de mélodies polyphoniques et de drogues parfumées à l’acide lysergique. La machine P-Funk est en marche !

En 1971, sort Maggot Brain, un album venu d’un autre monde, il annonce le lancement du ‘concept Clintonien’ !

La pièce maitresse de cette ‘curiosité vinylique’ est le solo du guitariste Eddie Hazel. Avant de le jouer, George Clinton lui avait donné le conseil suivant :  »Joue le début du morceau comme si tu venais d’apprendre que ta mère vient de mourir, et la fin comme si on t’avait dit qu’elle était encore en vie »

Apparemment, le message a été bien perçu, car ce solo est totalement bouleversant. George Clinton le trouve tellement bien réussi qu’il décide le mettre en avant, et atténue l’effet des autres instruments. Il dira :  »J’ai tout enregistré et mixé sous acide. Le mix était dix fois plus puissant que ce qu’il y avait sur la bande. Le master 24 pistes n’a rien à voir avec le disque qui est sorti. On a rajouté une tonne d’écho »

A la mort d’Eddie Hazel à l’âge de 42 ans, le 23 décembre 1992, c’est ce morceau qui résonna lors de son enterrement en guise d’hommage et de remerciement au virtuose. George Clinton dira :  »Eddie a commencé tout de suite à apprendre les pédales – la wah-wah, la Big Muff, les phasers et tout. Nous avons acheté tous les gadgets du monde »

En 1978, George annonce la couleur et pose cette question :  »Who says a Funk Band can’t play rock ? » ( »Qui a dit qu’un groupe de funk ne pouvait pas jouer du rock ? »)

C’est vrai que l’histoire du P-Funk est constellée de guitares en fusion, de six cordes rugissantes ! Mais le rythme est l’alpha & l’oméga du collectif, l’éloignant à jamais de la pesanteur du Rock Blanc.

Facteur important dans la cohésion de George Clinton et sa bande : ‘la dope’, bien évidemment sous toutes ses formes et couleurs variées, cocaïne, héroïne, et bien sûr le LSD, la clé des portes de la perception. Grady Thomas dira :  »L’acide nous a soudés, la proximité qui était la nôtre au début de l’aventure est partiellement due à çà. On s’aimait vraiment au sein de Parliament/Funkadelic. Et çà venait peut être de l’acide »

Et Calvin Simon surenchérit :  »Les drogues jouaient un rôle capital en ce temps-là. Vraiment ! Parfois, quand on tripe sous acide, ils se passe des choses incroyables dans votre esprit. On essaie de le retranscrire avec des mots, mais seuls ceux qui en ont fait l’expérience, peuvent comprendre »

Mais jouer avec le feu provoque parfois des brûlures irréversibles. Ce n’est pas William ‘Bootsy’ Collins qui nous dira le contraire. Ce bassiste hors norme qui partagea la scène avec G.Clinton mais également avec le Godfather Of Soul James Brown, vivra une expérience bien étrange. Dans son cas, la folie prendra la forme d’une schizophrénie intense, un véritable dédoublement de personnalité. Laissons-le nous raconter son histoire :  »J’ai du réapprendre à être William, et ma mère m’a beaucoup aidé dans ce sens. Avant, quand je revenais de tournées, j’étais Bootsy à fond, je ne savais être que ça ! J’ai tellement travailler sur mon personnage que je ne savais plus comment débrancher. J’allais me coucher avec mes lunettes, mon cuir et tout l’attirail. Ma mère m’a foutu une torgnole devant tous mes amis en me disant : Mon garçon, tu vas enlever toutes ces bêtises ! Ça m’a fait réfléchir, et j’ai compris qu’elle avait raison »

Certains diront que le Funk est aussi fort que certaines drogues, beaucoup de ses enfants l’ont compris à leurs dépens. Malgré tout, ce tutoiement des abysses pratiqué à outrance par la bande de George Clinton nous laisse une collection d’albums hors du commun. Toutes ces œuvres, ou presque, sont devenues des classiques du genre :

Uncle Jam Wants You, The Electric Spanking Of War Babies, Cosmic Slop, Hardcore Jollies, Standing On The Verge Of Getting It On, Maggot Brain et One Nation Of Groove pour Funkadelic.

Mothership ConnectionMotor Booty Affair, The Clones Of Dr. Funkenstein, Chocolate City, Trombipulation, Up For The Down Stroke et Funkentelechy Vs. The Placebo Syndrome pour Parliament.

George Clinton est le mentor d’une génération qui a vu la lumière au bout du tunnel de l’amour, des enfants des sixties libérales. Il a finalement survécu à la folie et continue à défendre son idéal P-Funk sur les scènes du monde entier. Il parait qu’il lui arrive parfois de prendre encore quelques drogues dures, ce qui ne l’empêche pas de jouer au Golf, quelle santé !

Laissons lui les mots de la fin avec une formule musclée qu’il a toujours appliqué à la lettre :

 »Free your mind and your ass will follow » ( »Libère ton esprit et ton cul suivra »)

Le P-Funk, source d’inspiration pour Musicolor

 

Écrit par: Eric

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